Jeudi 5 novembre, des agriculteurs de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, manifestaient dans toute la France contre les « difficultés qui s’accumulent » (embargo russe, Directive Nitrate, contrôles liés aux aides financières européennes, etc.). Revendications multiples, grogne généralisée à propos de tout ou presque, cette journée s’est révélée être un défouloir plutôt qu’un acte de communication crédible. A Nantes, où des agriculteurs avaient inondé de fumier la Préfecture, les manifestants se sont livrés à des actes violents et cruels envers des animaux.

photo ragondin

Des ragondins ont payé les frais de la colère des manifestants — Jean-Jacques Boujot/CC BY-SA 2.0

Des ragondins maltraités en public, boucs émissaires d’une cruauté banalisée

La plupart des quotidiens qui ont relayé l’affaire l’ont commentée ainsi : « Dérapage lors de la manifestation de la FNSEA – le ton monte entre Europe Ecologie-Les Vers et les agriculteurs ». Cette formulation est réductrice ; elle laisse penser qu’il s’agit encore d’une mésentente récurrente entre les « écolos », citadins sentimentalistes, et les agriculteurs de la FNSEA, qui connaissent la campagne et ses réalités. Ce serait ignorer la violence des actes.

Les agriculteurs mobilisés, entraînés par Alain Bernier, le président du syndicat en Loire-Atlantique, avaient décidé de procéder à un « lâcher de ragondins ». Des animaux « nuisibles, comme Ségolène Royal » s’amusaient certains d’entre eux. La suite des évènements, qui a été filmée et diffusée, est dérangeante.

Des ragondins, entassés dans des cages ou dans des caddies, ont été placés au milieu des manifestants. Ils ont ensuite été libérés sous les moqueries des spectateurs, certains boiteux et déjà mal en point, visiblement dans un état de stress important. Puis la violence de la foule s’est exprimée – coups de pieds, animaux aspergés de peinture

Les manifestants ont poussé le mauvais goût jusqu’à exposer des cadavres de sanglier et de ragondin qu’ils avaient apportés, avant de rouler dessus avec un tracteur. Frénésie collective, violence gratuite… On connaît les jeux barbares dont font l’objet les animaux, et nous ne nous attarderons pas sur ces images morbides. Les corridas et autres combats de coqs sont là pour en témoigner, malgré la bénédiction dont ils bénéficient du Code pénal sous couvert de « traditions locales ». Ce qui choque également dans cette affaire, ce sont les réactions qui ont fait suite à ces actes violents.

Intouchables

Des sanctions – voilà ce qu’exigent les mouvement de protection des animaux, dont la Fondation Brigitte Bardot. Or les communiqués qui font suite à cet évènement laissent sans voix. Loin de s’excuser, Alain Bernier, initiateur du « lâcher de ragondins », se défend : « Il faudrait que les citadins sortent un peu de chez eux, mettent des bottes, pour voir notre réalité. Les ragondins sont des animaux nuisibles ! ». Nullement inquiété, il renchérit même : « On a des avocats, on saura répondre. Si c’était à refaire, on referait le lâcher de ragondins ».

Xavier Beulin, président national de la FNSEA, a pressenti la mauvaise publicité qu’allait engendrer cet incident. Il a assuré ne pas cautionner ce type de dérapage, qu’il qualifie de « connerie ». Dérapage, connerie, les mots sont tout de même un peu faibles.

Du côté de l’Etat et du gouvernement, c’est silence radio. Ce qui laisse à penser que les auteurs de ces actes ne seront pas inquiétés, alors même que l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi conférant aux animaux le statut d’ « êtres vivants doués de sensibilité ».

Voir aussi : Statut juridique de l’animal : l’Assemblée nationale adopte le projet de loi

Mais la FNSEA est puissante et les agriculteurs ont un poids politique important. Cela les rend-il intouchables ?

L’ « humanité » en question

Au travers de cet article, nous ne cherchons pas à stigmatiser les agriculteurs ou à leur faire porter le poids de ces actes. Beaucoup d’entre eux travaillent au contact d’animaux et les respectent. Les personnes visées sont celles qui, sous prétexte d’une situation difficile et d’une colère enfouie, s’adonnent à des actes humiliants et cruels envers les animaux.

Alors, non messieurs, non mesdames (qui ne sont pas en reste d’après certaines vidéos), jamais vos difficultés personnelles ou professionnelles ne vous donneront le droit de mépriser la vie d’animaux. Si vos leaders fuient leurs responsabilités et tolèrent cette perte d’humanité, prenez vous-mêmes conscience de vos actes : respectez les animaux, respectez-vous.

Le mot de Charles l’ornithorynque :
Bête comme un âne, lent comme une tortue, sale comme un porc, gros comme une vache… Tout le monde connaît ces expressions ! L’homme, quant à lui, semble avoir le monopole de la cruauté…


Références :

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Un commentaire a été publié

  1. Coriolan Le 8 octobre 2016, à 8 h 29

    Un livre récent présente cette profession en voie de disparition et de paupérisation, ce déclassement conjugué au déclin ne peuvent qu’aggraver les sévices infligés aux animaux, attisé par le dépit.

    – Pierre BITOUN et Yves DUPONT. Le sacrifice des paysans. Une catastrophe sociale et anthropologique. L’ECHAPPEE.

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