28/09/2016 — Le rapport de la commission est maintenant disponible. Cliquez ici pour le consulter (PDF).

Ce mardi 20 septembre 2016, la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie a adopté son rapport. Créée en mars 2016 suite aux révélations successives, par l’association L214, de cas de maltraitance voire de cruauté dans des abattoirs français, elle s’est donnée pour mission de faire la lumière sur les conditions de mise à mort dans les 941 abattoirs de France.

Un (gros) chiffre
Près de 5 millions de gros bovins sont abattus chaque année en France, qui est le premier producteur européen (Interbev 2015)

Les trente députés qui la composent se sont appuyés sur des inspections réalisées en avril, à la demande du Gouvernement, dans plus de 200 abattoirs, ainsi que sur leurs propres visites de terrain.

Ce rapport ne se contente pas d’enfoncer des portes ouvertes en affirmant qu’il existe des « dysfonctionnements souvent mineurs, parfois majeurs » ; il formule 65 propositions destinées à mettre fin, pour l’avenir, à ce type actes. Car si un cadre réglementaire (règlement européen n° 1099/2009) et des infractions existent déjà, la loi n’est pas totalement appliquée et est de toute façon perfectible.

Renforcement des contrôles et aggravation de la répression

La proposition phare de ce rapport est le contrôle vidéo obligatoire des abattoirs, allant à l’encontre de l’opinion de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, qui déclarait en juillet n’être « a priori pas favorable à la généralisation » des caméras. Les enregistrements seraient mis à la disposition des services vétérinaires, de la direction et des représentants du personnel afin qu’ils veillent au respect des pratiques et des procédures. Certains y voient une mesure qui risque de provoquer une « surveillance des salariés » ; d’autres craignent qu’elle soit trop coûteuse — une inquiétude partagée par Olivier Falorni, président de la commission, qui enjoint « l’État à aider financièrement les petits abattoirs » pour l’installation éventuelle de ces caméras.

Parallèlement à cette mesure, les députés préconisent « la présence obligatoire d’un agent vétérinaire au poste d’étourdissement et d’abattage des abattoirs de plus de cinquante salariés ». Cette présence aurait sans doute un effet dissuasif auprès de certains salariés peu scrupuleux, ainsi qu’un effet positif sur la répression. Elle faciliterait la constatation des infractions et donc les condamnations. Actuellement, l’article R. 215-8 du Code rural réprime les actes de maltraitance dans les abattoirs d’une peine de 1 500 euros d’amende, qui peut être portée à 3 000 euros en cas de récidive. Dans ce second cas, le rapport souhaite aller au-delà et faire de la récidive un délit. Le juge pourrait donc fixer une peine supérieur à 3 000 euros… mais également inférieure puisqu’il n’existe pas de peines planchers. Reste à savoir si une peine d’emprisonnement est envisagée.

Davantage de formation et de transparence

Si la répression paraît indispensable, la prévention l’est tout autant. C’est pourquoi le rapport souhaite une formation accrue du personnel des abattoirs en matière de « bien-être animal ».

Le rapport propose également la mise en place, au titre de la transparence, de « comités locaux de suivi de site » rassemblant des associations et des parlementaires. Ils disposeraient d’un droit de visite dans les abattoirs. L’idée est de mettre fin à l’opacité de ces établissements dont certaines pratiques sont restées très longtemps inconnues du grand public.

Incertitudes sur l’abattage rituel

À ce stade, il reste cependant de nombreuses incertitudes concernant l’abattage rituel. Il faut savoir que, par dérogation à la réglementation classique, il est possible, sous certaines conditions, d’infliger des souffrances anormales à un animal lors de l’abattage pour des raisons religieuses. C’est ainsi que les cultes juifs et musulmans refusent l’étourdissement préalable des animaux. Encore hier matin, L214 publiait une énième vidéo montrant les conditions ignobles et parfois illégales de l’abattage de moutons pendant l’Aïd el-Kébir.

Le rapport propose deux méthodes d’abattage qu’il considère comme conformes aux prescriptions cultuelles : l’étourdissement réversible, « qui ne provoque pas la mort de l’animal », et l’étourdissement post-jugulation, qui consiste à lui faire perdre conscience juste après la saignée et sans l’abandonner à sa lente et douloureuse agonie. « Mais dans l’immédiat, les responsables des cultes juif et musulman refusent toute forme d’étourdissement » selon Le Monde. Pourtant, en 2006, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, déclarait que « l’Islam n’est pas hostile à l’étourdissement mais à condition qu’il ne soit pas irréversible ». Une clarification de la position des cultes semble plus que jamais nécessaire. La question se pose d’autant plus que l’abattage rituel tend à devenir la règle en France.

Insatisfactions

Le saviez-vous ?
« L214 » ? Quel drôle de nom, pour une association ! Celui-ci fait référence à l’article L. 214-1 du Code rural : « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. »

Sans surprise, et même si elle salue le travail de la commission, l’association L214 est loin d’être satisfaite. Elle déplore que « certaines mesures, comme une réduction de la consommation de viande et de produits animaux, ont été écartées ». Tout en rappelant que « la France abat trois millions d’animaux par jour », Brigitte Gothière, sa présidente, s’interroge : « que peut faire le plus consciencieux des employés, à qui il est demandé de mettre à mort 60 à 100 animaux par minute ? » Autrement dit, il vaudrait mieux s’intéresser directement aux causes (la consommation importante) plutôt qu’à leurs conséquences (l’abattage massif et ses conditions).

L’intégralité du rapport sera disponible le 27 septembre 2016. Il serait intéressant de voir quelles autres mesures y figurent, notamment concernant le temps de transport vers les abattoirs, qui est générateur d’un stress important pour les animaux. Peut-être sera-t-il question des abattoirs mobiles ?

Toujours est-il qu’un rapport n’a aucune valeur contraignante. Sa publication ne change ni la réglementation ni son contrôle. Au Parlement de légiférer ; au Gouvernement de décréter.


Références :

  • Abattage rituel des animaux : oui à l’étourdissement obligatoire, Christophe Marie, Nouvel Obs.com
  • Adoption du rapport d’enquête, Assemblée nationale.fr
  • Des caméras dans les abattoirs, pour lutter contre les maltraitances animales, Audrey Garric, Le Monde.fr
  • L’abattoir d’Alès, L214.com
  • VIDEO. Maltraitance animale : Des images chocs tournées dans un abattoir de moutons, E.P., 20 minutes.fr
  • La vidéosurveillance va-t-elle s’imposer dans les abattoirs ?, Alexandre Boudet, Le Huffington Post.fr

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Un commentaire a été publié

  1. Coriolan Le 16 décembre 2016, à 0 h 10

    Comme il fallait s’y attendre, la proposition d’installer des caméras de surveillance vient d’être repoussée en commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, avec une coalition d’élus de droite, du centre et de socialistes. Ce refus a même été porté par des élus écologistes! Au grand dam d’Olivier FALORNI, le président de la CEP qui avait préconisé cette mesure élémentaire de contrôle. Il estime que son texte » est complètement vidé de sa substance, presque massacré. »

    Les raisons officielles de ce rejet étant le coût d’installation élevé et la pression psychologique intolérable qu’aurait à subir les employés affectés aux postes d’abattage. Comme toujours, la condition de l’animal est superbement et scandaleusement ignorée!

    – Régis BISMUTH et Fabien MARCHADIER. Sensibilité animale. Perspectives juridiques. CNRS Editions
    – Jean-Pierre MARGUENAUD, Florence BURGAT, Jacques LEROY. Le droit animalier. PUF

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