Le lundi 5 mai 2014, un programme de préservation du Grand Hamster d’Alsace a été lancé dans la région éponyme. Cette initiative n’est pas la première en date ; elle vient compléter une série de mesures mises en place depuis plusieurs années afin d’enrayer le déclin des populations de cette espèce menacée.

Grand Hamster d’Alsace (Cricetus cricetus) — Agnieszka Szeląg/CC BY 3.0

C’est en 2000 qu’un premier plan d’action est lancé en Alsace afin d’enrayer la disparition du Grand Hamster d’Alsace, aussi appelé Hamster d’Europe ou Hamster Commun, une espèce en voie d’extinction en France.

Le déclin des populations de Cricetus cricetus

L’Alsace est la seule région de France où le Grand Hamster est présent. Depuis les années 1970, les campagnes de recensement effectuées par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) attestent de la très forte diminution du nombre d’individus et du nombre de communes où la présence de hamsters est certaine ou probable.
Interrogé pour le journal télévisé du 20h de TF1, Jean-Paul Burget, président de l’association Sauvegarde Faune Sauvage et défenseur du Hamster d’Europe depuis les années 90, explique qu’il faudrait au moins 1 500 individus en Alsace pour que la population soit viable. Or il n’en resterait à l’heure actuelle que quelques centaines.

Un plan de sauvetage pour le Grand Hamster d’Alsace — Journal télévisé du 20h de TF1, 10 mai 2014

En France, le déclin des populations de hamsters est principalement dû aux facteurs suivants :

• La diminution des champs cultivés de céréales à paille d’hiver et de luzerne, au profit des champs de maïs – la culture du maïs étant plus rentable pour les agriculteurs dans cette région.
  Or les céréales et les légumineuses (dont la luzerne) jouent un rôle essentiel dans le cycle de vie du Grand Hamster d’Alsace, en termes d’habitat et d’alimentation.
• La simplification des paysages agricoles, avec l’augmentation de la taille des parcelles cultivées. Cela augmente la distance à parcourir pour les hamsters, qui se déplacent d’un couvert végétal à l’autre au cours du temps afin de creuser de nouveaux terriers et se nourrir.
• L’utilisation d’engrais et de pesticides, qui peut entraîner une mortalité directe par intoxication ou des effets indirects via la disparition de certains invertébrés consommés par les hamsters.
• Certaines pratiques agricoles, notamment les labours profonds, qui entraînent des mortalités et une modification très brutale des habitats en détruisant les terriers.
• La fragmentation des habitats due aux infrastructures routières et à l’urbanisation.

 Pour en savoir plus sur les exigences biologiques et le mode de vie de cette espèce, lire notre article sur Le Grand Hamster d’Alsace (Cricetus cricetus).

Les enjeux de la préservation du Grand Hamster d’Alsace

Au-delà des aspects éthiques et moraux, il est important de protéger le Grand Hamster d’Alsace car il joue un rôle-clé pour l’ensemble de la biodiversité en Alsace. En effet, il s’agit d’une « espèce parapluie », ou « espèce paravent » (umbrella species en anglais) : ses besoins écologiques recoupent ceux de nombreuses espèces, et l’étendue de son territoire permet de protéger un grand nombre d’entre elles si des mesures de conservation sont mises en place.

Au  niveau européen, le Grand Hamster d’Alsace est protégé au titre de la Convention de Berne et de la Directive Habitats-Faune-Flore.

Les actions mises en oeuvre en France

Les plans nationaux d’actions

Depuis 2000, trois plans nationaux d’actions en faveur du Hamster Commun se sont succédé en France. Le premier (2000-2004) a surtout été centré sur la sensibilisation des différents acteurs locaux aux enjeux de la protection du Grand Hamster d’Alsace. Le second (2007-2011) visait à préserver et restaurer les habitats des hamsters, par exemple en apportant un soutien financier à l’implantation de cultures de luzerne, favorables à l’espèce.

Un troisième plan d’action (2012-2016) est actuellement en vigueur. Ces objectifs consistent à conserver l’aire de présence actuelle du Grand Hamster d’Alsace (soit 19 communes), à tripler l’effectif de hamsters comptabilisés en 2010-2011 pour tendre vers une population viable de 1 500 individus, et à améliorer la qualité de l’habitat des hamsters. Le plan se décline en 38 actions, réparties en 6 axes thématiques.
Les actions visent à améliorer la connaissance de l’espèce et le suivi des populations, à adapter les pratiques agricoles de manière à assurer un habitat favorable aux hamsters, mais également à renforcer les effectifs grâce à des lâchers d’animaux nés en captivité. Les opérations de communication et de sensibilisation auprès du grand public et des professionnels sont renforcées.

Ces opérations de conservation se basent notamment sur un partenariat avec la profession agricole. Dans le cadre de la politique agricole commune, les agriculteurs peuvent souscrire à des mesures agro-environnementales (MAE). Les MAE visent à compenser les surcoûts et manques à gagner générés par l’adoption de pratiques agricoles adaptées aux enjeux particuliers d’un territoire. Dans le cas du Grand Hamster d’Alsace, deux mesures ont été élaborées : elles visent à diminuer la part du maïs dans les zones de présence du hamster, et d’y implanter des céréales à paille ou de la luzerne, qui sont des cultures favorables à l’espèce.
En 2014, l’implantation de luzerne (moins rémunératrice pour les agriculteurs que le maïs) est compensée par une subvention de 529 €/hectare/an. Pour les céréales, les aides s’élèvent à hauteur de 205 €/hectare/an.

Le programme LIFE ALISTER

Depuis le mois de mai 2014, le programme LIFE ALISTER (pour Alsace LIfe hamSTER) vient compléter ce dispositif. Les actions prévues sont globalement similaires à celles mentionnées dans le plan national d’action : amélioration de l’habitat du hamster en adaptant les cultures, renforcement des populations à l’aide de lâchers d’individus, renforcement de la connectivité entre les différentes zones de présence de l’espèce, sensibilisation du public Alsacien. Financé grâce au fonds européen LIFE+ (L’Instrument Financier pour l’Environnement), LIFE ALISTER vient donc renforcer les actions déjà mises en oeuvre en Alsace.

Des mesures efficaces ?

Suite à la mise en oeuvre de ces mesures, le bilan est mitigé. Malgré les programmes engagés, les effectifs de hamsters ont diminué d’environ 75 % entre 2001 et 2012. L’aire de répartition est passée de 53 communes en 2001 à 19 communes en 2012.
De plus, en juin 2011, la Cour européenne de Justice a rappelé à l’ordre la France, considérant qu’elle avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la Directive Habitats-Faune-Flore concernant la protection du Grand Hamster d’Alsace.

En 2014, une évolution positive est à souligner : la campagne de comptages réalisée par l’ONCFS a montré une augmentation de près de 40 % du nombre de terriers de hamsters entre 2013 et 2014. Les populations de Cricetus cricetus demeurent néanmoins fragiles, et particulièrement sensibles aux infrastructures qui fragmentent leur habitat. A ce titre, la relance du projet de rocade autoroutière de contournement de Strasbourg (« Grand Contournement Ouest » ou GCO) a ravivé la colère de ses opposants. Ils soulignent les effets négatifs qu’aurait un tel projet pour le Grand Hamster d’Alsace.

Sources :

• Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
• Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie
• Projet LIFE Alister
• Le Monde
• Dernières Nouvelles d’Alsace
• France 3 Alsace